Nos Synalticien·nes Glenn Carroy (dev web), Clélia Boursin-Bellot (spécialiste dataviz) et Hélène Trouvé (com & marketing woman) sont allés assister à Beyond Tellerrand 2019 à Düsseldorf les 12 et 13 mai derniers. En voici un compte-rendu écrit à six mains ! Asseyez-vous bien confortablement, c’est long mais ça en vaut le coup !
Un Glenn et une Hélène se cachent dans cette image, sauras-tu les retrouver ? – Crédit Juliane Schultz
Il faut bien avouer qu’envoyer des membres de la Synalteam à une conférence dédiée aux designers c’est un peu comme mettre un fan de Sylvie Vartan au concert de Metallica. Seulement voilà, Beyond Tellerrand n’a pas pour unique but de présenter des très grosses pointures du design tous secteurs confondus qui vont vous dégoûter à jamais de ne pas savoir tenir un crayon. La conférence propose avant tout une vraie réflexion sur la place du designer et du développeur dans l’univers digital, sur l’accessibilité des applications mises sur le marché mais aussi l’intérêt de contrôler où et comment nous voulons partager nos publications, le tout, quand même, enrobé de discussions techniques autour du monde du web.
La place du designer : focalisons nous sur le problème, pas la solution
Bizarre pas vrai ? Car au final, il faudra quand même trouver une solution au problème soumis (cahier des charges pour un site, volonté du client pour un logo, etc.). Seulement voilà :
- Devons-nous à tout prix mettre des menus hamburgers sur tous les sites ?
- Pourquoi vouloir faire « comme airBNB » ou « comme machin » pour répondre à un problème posé (merci Stephen Hay) ?
- Pourquoi est-ce que tous les sites internet (ou en tout cas une grande partie) se ressemblent ?
La réponse à toutes ces questions est utopique mais pourtant très vraie : il faut accepter de vouloir faire les choses différemment. Répondre à un problème ne revient pas à copier la solution qui répond à un autre. Il ne suffit pas de s’appuyer sur des conventions et développer une solution acceptable avec un minimum d’effort. En tant que « designers » (comprendre ici au sens large de « concepteur.ice » de solutions diverses et variées), nous ne devons pas nous caler sur ce que l’on sait déjà faire mais plutôt chercher l’innovation pour répondre au mieux à la demande. Se focaliser sur le problème devrait être la priorité, l’apparence de la solution pourrait alors être quelque-chose de tout à fait nouveau et innovant qui, certes, bousculera probablement les codes et les normes mais restera une solution valable et intuitive. Vous ne me croyez pas ? Demandez à David Carson !
David Carson nous montre un dessin de sa fille qui le représente sur sa planche de surf. Crédit Andreas Dantz.
Ce génie/artiste/designer, véritable icône du design vénérée dans le monde entier, nous a expliqué que les contraintes, c’est bien, certes, mais qu’il est aussi important et jouissif de s’en affranchir. Ayant bâti sa réputation sur des designs foutraques, des collages bordéliques, l’utilisation de pans de blanc dans des maquettes de magazines, David Carson nous a rappelé de ne pas toujours nous plier aux contraintes, aux tendances et aux standards parce que c’est aussi ça, être créatif : « avoir un œil capable de voir ce que les autres ne voient pas ».
L’accessibilité dans le web : pas de bras, pas de chocolat
Le sujet est revenu très régulièrement durant la conférence et a même fait l’objet d’évènements annexes avant et après celle-ci : on ne se préoccupe pas assez de l’accessibilité de nos applications/sites internet.
Il s’agît là toujours de quelque-chose qu’on remet à plus tard, pour la version 2, pour au final rarement y aboutir. Or, Charlie Owen, première et exceptionnelle speaker de la conférence, a expliqué que 10 % des personnes ayant accès à un ordinateur présentaient des problèmes de vues – juste des problèmes, on n’a pas encore parlé des non-voyant·es, des handicapé·es moteur ou des malentendant·es !
Charlie Owen – Crédit Juliane Schultz
Elle insiste également sur le fait qu’on imagine nos utilisateurs avec le téléphone dernier cri, une connexion 4G au top et un ordinateur de compét’. Pourtant, à la base, Internet est et doit être fait pour être accessible au plus grand nombre, donc y compris pour la personne qui n’a qu’un oeil, vivant au fin fond de sa campagne avec pour seul téléphone un 3310 (le nouveau modèle, soyons généreux).
Choisir de nier le problème de l’accessibilité est bien évidemment une question de facilité. De la facilité peut ainsi naître l’exclusivité pour un outil qui se voulait pourtant rassembleur. Ne pas prendre en compte cette notion d’accessibilité limite la construction et la portée de notre travail ! Il est presque de notre devoir de toujours y penser.
Contrôler où et comment nous publions : « Life on Mars has Landed » (David Bowie, 1999)
Nous allons éviter d’entrer dans les détails parce que le sujet est vaste, tentaculaire et plein de contradictions. Bowie avait toutefois raison, en 1999, quand il déclarait dans une interview qu’Internet allait bousculer nos vies et qu’il s’agissait là d’un extraterrestre qui venait d’atterrir dans nos maisons. 20 ans plus tard, Internet fait littéralement la pluie et le beau temps à travers le monde, influence des procès, des campagnes électorales, montre des images d’horreur en un clin d’œil au monde entier…
Nous publions à tout va sur les réseaux sociaux et, par conséquent, acceptons que ce contenu ne nous appartienne plus et que nous ne pouvons pas le contrôler. Ainsi l’idée derrière le talk de Tantek Çelik, fervent militant de web ouvert, peut se résumer en une phrase : arrêtons de scroller Facebook ! (Moins grossier mais tout aussi radical que le « Fuck Facebook » clamé par Charlie Owen en début de conférence !)
L’idée est simple : nous pouvons tous avoir un nom de domaine « à nous », un blog « à nous », donc publier notre contenu sur une plateforme que nous contrôlons. Avoir sa propre plateforme pour s’exprimer, c’est choisir son identité, son contenu, ses connexions et interactions, c’est être libre et laisser parler toute sa créativité sans qu’une entreprise gomme notre esprit ou nos pensées. Tantek en vient ainsi à parler de « IndieWeb » par opposition au « Corporate Web », (sur lequel vous trouverez bien plus de détails ici) en nous recommandant chaleureusement de nous y mettre pour ne plus subir les politiques dictées par les plateformes sociales.
On veut de la technique !
Shirley Wu « Data, Design, Code » – Crédit Andreas Dantz
Voilà du lourd messieurs dames : concernant la data-viz, on a eu la chance de découvrir le travail de Shirley Wu qui utilise Vue JS en combinaison avec D3 JS pour faire de la visualisation de données. Shirley n’était pas là pour coller des gommettes : elle a live-codé une bonne partie de sa présentation. La vidéo sera disponible à la mi-juin.
A retenir ? N’oubliez pas d’être curieux, la curiosité vous permet de vous impliquez dans vos projets, de transmettre l’intérêt que vous portez au sujet, de raconter une histoire, une histoire emplie de vos propres sentiments qui immerge directement l’interlocuteur dans votre expérience.
Ça a aussi pas mal discuté optimisation des typographies pour le web avec Zach Leatherman qui a expliqué les pièges dans lesquels il ne faut pas tomber si on utilise des typos bien stylées sur le web (honnêtement : on en n’utilise pas assez même si, attention, tous les navigateurs ne supportent pas tous les types de typo ! Chrome reste, à ce sujet, le meilleur navigateur pour le responding).
La brute de CSS Heydon Pickering nous a également proposé une solution alternative à l’utilisation des media queries alors que Carolyn Stransky nous a expliqué comment écrire une documentation de façon plus attrayante et humaine pour l’utilisateur.
Nous lisons la doc lorsque nous en avons besoin donc l’idée est d’essayer de rendre ce processus d’aide plus simple et accessible.
Quelques conseils :
- Ne parlez pas mais montrez,
- Optez pour un langage accessible et clair (être comparatif et sans nuance),
- Montrez des exemples…
En bref, soyez simplement honnête, utile et humain !
NB : Un site d’aide à l’écriture si besoin : Hemingway.
Je sais pas tenir un crayon (Glenn Carroy)
Alors entre Red Hongh Yi qui réalise un portrait de Jackie Chan avec 50000 chopsticks, Rob Draper qui dessine des décors de folie sur des tasses Starbucks sans estropier ton prénom, Mike Hill qui a dessiné et modelé plusieurs objets ou scènes pour, entre autres, trois des meilleures projets qu’on a vu ces dix dernières années (Blade Runner 2049, GOT, Horizon Zero Down), ou encore David Delgado qui réalise des installations artistiques pour la NASA et des logos d’équipes de sports venues d’exoplanètes qui déchirent (toujours pour la NASA)…
Bref, je sais pas tenir un crayon, retour au javascript.
(Re)vivre la conférence :
Le compte-rendu sur le site officiel est à lire ici, il comprend de nombreux liens vers les photos et vidéos des speaks, ainsi que vers les comptes-rendus rédigés par d’autres participant·es.
La chaîne YouTube de Beyond Tellerand où vous pourrez voir les captations de cette année et des années précédentes.
Vous pouvez regarder toutes celles de cette année, elles sont toutes vraiment intéressantes. Et sur l’édition 2018, on vous recommande tout particulièrement celle de Mike Monteiro « How to build an atomic bomb », qui est absolument excellente.